Les personnages : la méthode chaotique
Comment écrire un bon personnage ? Comment lui donner de la consistance ? Comment le rendre réel dans l’imaginaire du lecteur ? On trouve beaucoup de choses sur internet et dans les livres.
De ce fait, cet article ne sera pas un énième “10 astuces pour créer un personnage” ou encore “Comment créer une fiche personnage ?”.
Je souhaite simplement vous livrer une réflexion sur la méthode que j’ai élaboré à partir des livres que j’ai lus sur le sujet (références à la fin de l’article). Les affirmations que je vais apporter ne concernent que moi, et ne sont en aucun cas des vérités absolues.
Tout est une question de thème
L’idée reçue selon laquelle un personnage est constitué de simples caractéristiques physiques est fausse. Ne pensez pas construire un héros crédible juste en lui ajoutant une moustache et une passion pour le ski. Aussi, évitez à tout prix les clichés du style : “Mon héros est sombre et torturé”, ou encore “Cette fille à l’apparence joviale cache un terrible secret”. Oui, c’est cool les secrets. Oui, c’est cool si votre héros est mystérieux. Mais tout ça ne doit jamais servir la forme, mais le fond. Pourquoi ce héros est-il sombre et torturé ? Pourquoi cette fille cache-t-elle un secret derrière un masque de bonne humeur ?
Pour construire un personnage, vous devez déjà trouver le thème de votre histoire. À quelle question répond votre récit ? Qu’est-ce que vous voulez raconter ?
Prenons l’exemple d’un thème au hasard : qu’est-ce qu’un héros ?
Un sujet maintes fois abordé. Eh bien, tous vos personnages devront avoir un lien avec ce sujet. Pour chacun, vous devrez vous poser la question : quel est son rapport au thème ?
On pourrait retrouver dans un roman policier traitant de ce thème :
- un flic obsédé par l’idée de passer pour un héros afin de redorer l’image de son père.
- un flic qui essaye d’être un bon père, et donc un héros aux yeux de sa fille.
- un homme vu comme un héros qui ne fait que des bonnes actions pour racheter ses fautes.
Des sous-thèmes peuvent bien sûr émerger de votre idée principal. Dans notre exemple, nous pourrions également soulever des questions sur la religion, la paternité, la bonté, etc…
TOUS vos personnages doivent apporter quelque chose à votre histoire. Inutile de mettre un cowboy s’il n’est là que pour satisfaire votre passion pour les westerns. À partir du moment où vous avez défini cela, toute la psychologie du personnage en découlera naturellement. Son aspect physique, ses désirs, ses peurs, ses buts, ses secrets. Le fond permettra d’imaginer la forme, et non l’inverse.
Le rapport à l’autre
Technique du “4 corner character opposition” de Michael Finberg, ici pour Harry Potter
Les personnages se construisent autour du thème, mais peuvent aussi se construire entre eux. Est-ce que le flic cautionne les agissements du héros ? Est-ce que l’avis du policier remet en question les certitudes de son co-équipier ? En confrontant vos personnages entre eux, vous enrichissez les points de vue et ajoutez de la profondeur. Vous vous immergez également dans leur peau, comprenez leur psychologie et ainsi pouvez les développer de la façon la plus juste possible. Comment voulez-vous faire croire à l’existence de vos personnages, si vous ne savez rien d’eux (à part qu’ils ont une allure mystérieuse et une moustache) ?
Le chaos
“ C’est bien beau tout ça, mais dans la vraie vie, tout n’est pas aussi carré. Il y a le désordre, il y a l’imprévu. Tout ça ne rentre pas dans ta méthode beaucoup trop ordonnée”.
Tu as raison, personnage fictif qui n’est là que pour faire rebondir mon propos.
Dans la vie, il y a des gens qui, de prime abord, n’apportent rien à l’histoire. Dans la vie, les gens sont surprenants, inattendus. Si l’on veut créer des personnages les plus réalistes possible, nous devons prendre en compte cette part d’imprévu.
C’est là qu’intervient le “5% de chaos”, cette petite part de surprise, de plaisir que vous pouvez insuffler à vos personnages. Dans ce minuscule interstice, laissez-vous aller à toutes vos envies, à tous les clichés. Votre serial killer est un expert en arts martiaux parce que vous êtes fan de Jackie Chan ? Votre docteur a une phobie du sang parce que vous trouvez ça cool ? Faites-le ! Tant que ça ne rentre pas en conflit avec l’histoire et que cela ne représente qu’une infime partie de votre personnage, vous avez le droit. Après tout, l’écriture est un moment de plaisir.
Tout le monde est unique
Pour que chacun de vos personnages soit unique, identifiable et mémorable, il ne suffit pas de leur donner des caractéristiques physiques. L’habit ne fait pas le moine comme on dit, et même s’il est important que votre lecteur puisse dessiner les contours du héros qu’il va suivre pendant des centaines pages, il est encore plus important qu’il le perçoive comme un être vivant. Voici donc quelques petites choses à définir chez vos héros pour les rendre inoubliables :
- Leur définir un style de langage propre : fait-il des phrases longues ou courtes ? a-t-il des mots préférés ? a-t-il un langage soutenu, familier, châtié ?
- Leur définir un champ lexical qui leur ait associé. Si, par exemple, vous avez un personnage agressif, vous pouvez utiliser des mots se rapportant à l’animalité.
- Jouer sur les sensations : rien de tel pour l’immersion que d’utiliser les cinq sens.
- Les environnements sont de très bons outils pour définir un personnage, un changement dans son comportement ou un accomplissement.
La liste pourrait continuer, et vous n’êtes pas obligé d’utiliser toutes ces astuces pour chaque personnage. À vous de piocher dans ce qui vous inspire et vous procure le plus de plaisir d’écriture !
Le symbolisme
Un autre outil très puissant pour construire un personnage et sa psychologie : le symbolisme. Les symboles font partis intégrantes de nos vies. On peut les retrouver dans tous les domaines. Ils sont un moyen de nous comprendre, de nous diriger, de nous exprimer. Dans une histoire, un symbole pourra apporter bien plus d’éléments qu’une longue description. Il permettra de comprendre les motivations d’un personnage, ses besoins, ses envies, ses faiblesses. Utilisé comme un bourrin, il alourdira votre récit. Mais si vous trouvez le bon dosage, le symbole vous fera gagner un temps précieux. Quelques exemples très connus : la toupie dans Inception, le monolithe dans 2001 : L’odyssée de l’espace, la bibliothèque dans Le Nom de la Rose, la couleur rouge dans Le Village, l’araignée dans Enemy, etc.
Conclusion
Les personnages sont plus importants que votre histoire. Vous pouvez avoir la meilleure chute possible, si on ne s’attache pas à vos héros, personne n’en aura rien à faire. Votre lecteur doit avoir l’impression de les connaitre, de vivre ce qu’ils vivent, de ressentir ce qu’ils ressentent. Posez-vous les bonnes questions : qu’est-ce que je veux raconter avec tel ou tel personnage ? Regardez dans vos films, vos livres ou vos séries préférés les personnages qui vous ont habité. Ils ont tous un point commun : ils ont l’air vrais. Alors oubliez les fiches techniques aux allures de recette de cuisine, diantre, nous parlons d’écriture !
Références à lire :
L’anatomie du scénario de John Truby
Le héros aux milles et un visages de Joseph Campbell